Skefre : « Je ne suis pas quelqu’un à qui tu vends du rêve »

  • Propos recueillis par Meryem Benyahia et Cyprien Joly
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En pleine ascension, le jeune rappeur de Grigny a réveillé les fans de rap français en balançant son premier long format : CAPITALISTE. Entre un feat annoncé avec Young Thug finalement indisponible à la sortie, des collaborations avec La Fève, Igo, Ratu$ ou encore Stavo, une cover qui appelle à la nostalgie des années 2000 et des titres particulièrement évocateurs, Skefre a créé l’événement. À l’occasion de cette sortie, Mosaïque s’est entretenu longuement avec un rappeur à contre-courant, sans doute l’un des plus contestataires de la scène francophone.

Pourquoi « Skefre » ?

C’est « fresque » à l’envers. Quand tu m’écoutes, mes textes sont très imagés, comme si je peignais des choses. Depuis que j’ai commencé le rap, je veux retranscrire ça. Avant, j’avais les barz mais pas les flows ! C’était mon point faible, mais j’ai travaillé et j’ai repris ceux des cainris. Ça m’a aidé à capter. 

Quel est ton premier souvenir rap ? 

Les grands de chez moi. On découvre le rap avec un groupe de Grigny qui s’appelle LMC Click. À Grigny, il y a toute une culture musicale qui nous déconnecte un peu. Booba, Rohff etc, je connais, mais pendant qu'ils étaient en train de péter, je ne les écoutais pas. On suivait les rappeurs de chez nous qui faisaient des compils et invitaient des Salif, des Alpha 5.20…

Tu es issu du trio Chivas Gang aux côtés de Nervo et Broky qui a fait parler de lui il y a une petite dizaine d’années. Qu’est-ce que le Chivas représente aujourd’hui pour toi ?

Chivas, c’est mon équipe, les gars de ma rue à Grigny. J'ai commencé à rapper avec eux.  Au début, c'était un collectif d’une dizaine de rappeurs, puis on a fini à trois. On a tiré ce nom de l’équipe de foot de Guadalajara, au Mexique. C’étaient des mecs d’en bas qui ont réussi à se hisser dans la meilleure ligue. On avait la même mentalité. 

Photographie de Skefre

© Sélane / Mosaïque Magazine

On ne t’a pas beaucoup vu entre le début du succès des Chivas et ton retour sur le devant de la scène en 2023. Que s’est-il passé ?

Le confinement a joué, on devait sortir un projet à ce moment-là. On a aussi été rattrapé par beaucoup de problèmes de vie, parce que là d’où l’on vient, c’est compliqué. Il fallait les régler pour mieux rebondir. 

Est-ce pendant cette période que ton dégoût pour l’industrie musicale se crée ?

Je n’ai pas de dégoût particulier envers cette industrie. Je ne suis juste pas quelqu’un à qui tu vends du rêve. Je suis très réaliste et je tiens à être le plus conscient possible. J’essaye de retranscrire dans ma musique parce que trop souvent les jeunes se lancent là-dedans sans en connaître la réalité. Une façon de dire : « Attention, gardez les yeux ouverts. » 

D’où te vient cette méfiance ?

Ce n’était pas le cas quand on se faisait approcher avec Chivas. J’étais trop jeune et j’en rêvais. Mais j’ai appris, grâce aux producteurs autour de moi, que ce n’est pas aussi simple que ce que l’on t’explique. Derrière les étoiles, il faut connaître ses droits et se renseigner. Personnellement, je me documente beaucoup, j’adore les documentaires sur les labels par exemple, ou sur l’écosystème rap en général. Death Row, Def Jam, les podcasts de Benjamin Chulvanij… J’ai appris qu’il existe deux réalités : celle du chanteur et celle du businessman. 

Photographie de Skefre

© Sélane / Mosaïque Magazine

Tu imagines le rap comme quelque chose de fondamentalement réaliste et donc contestataire ? 

Oui et ça vient des artistes que j’ai écoutés. Ils étaient tous contestataires, ils te faisaient comprendre que si tu voulais faire du rap, tu étais obligé de l’être. On nous parlait de figures politiques qu’on ne connaissait même pas. J’ai adopté cette posture dès les premières phrases que j’ai écrites. 

[Broky Dollaz du Chivas Gang, présent lors de l’interview, prend la parole] 

Avec des Rim’K, on a appris des « Fuck Sarko » !

Ta conscience politique vient du rap ? 

Exactement. On entendait parler du Front National via cette musique-là. À l’école, on ne va jamais te dire : « Ne vote pas Front National, c’est des racistes. » Ma mère non plus ne m’en parlait pas. Alors que dans le rap, on l’entend et on apprend. Quand les rappeurs sont devenus contestataires, ils sont devenus vraiment populaires. C'est à partir de Public Enemy, mais aussi de « Fuck Tha Police » [N.W.A]. Le rap est une musique de révolte qui fait le lien entre Public Enemy, Booba et la Mafia K’1 Fry. 

Tu as conscience que cet esprit de contestation s’est dilué avec le temps ? 

Je m’en rends compte quand je vois les réactions que je reçois. Quand les gens écoutent mes textes et sont en mode : « Ah ouais, il a dit ça ? On va aller à République en manif’ ». J’ai compris qu’aujourd'hui, dans le rap, ça ne se disait plus. C'est pour cette raison qu'on me voit comme un revendicateur.

À quel moment, selon toi, on a perdu ce côté contestataire ?

Skefre : Quand on a tous compris que le rap ramenait de l'argent. Quand le capitalisme a frappé.

Broky Dollaz : L’arrivée de la drill et de Pop Smoke. Dans le rap, à partir de là, il n’y a plus que des femmes, de l’argent et des grosses caisses. C’était plus que cette logique !

S : Un rappeur, avant, quand tu l’écoutais, il te disait : « Le frigo est vide. » Aujourd’hui, c’est : « Je suis riche, j'ai un yacht. »

BD : Ça se répercute même sur les jeunes. Aujourd'hui, certains te répètent que « la vie, elle est dure » mais ils vont vider leurs poches chez Gucci pour tourner un clip. Et il faut qu'ils le rappent pour montrer les belles marques et le luxe. Pourquoi tu ne veux pas rapper ta réalité ? Mais si moi je rappe la mienne, on va se moquer de moi.

S : La réalité, c’est devenu la honte. Il faut que tout soit beau et que ça brille. Tout est devenu DA. Avant, tu mettais ton t-shirt et tu faisais ton clip en bas de chez toi. Aujourd'hui, on nous parle de Dubaï alors qu'on n'est jamais allé là-bas. On ne peut pas être touchés. De nos jours, pleurer sur un morceau, c'est dur.

Est-ce qu’il y a des œuvres en particulier qui t’ont marqué dans ta réflexion artistique ?

Ce sont les artistes que j'aimais. Quand je les ai vus faire, ça m'a transpercé. Je parle beaucoup de Kendrick Lamar, par exemple. Je me vois à travers lui. Il peint des réalités. Au-delà des artistes, je regarde autant de documentaires sur la musique, que sur le Pérou ou l'Afrique. Ma matière préférée a toujours été l’Histoire. J'adore me cultiver. Je cherche toujours à savoir le pourquoi du comment. 

Photographie de Skefre

© Sélane / Mosaïque Magazine

Tu as grandi à Grigny, dans le quartier de la Grande Borne, et dans une interview pour Booska-P, tu en parles comme l’un des « derniers ghettos en France » où les habitants n’attendent plus rien des pouvoirs publics. Comment expliques-tu ce sentiment d’indifférence ? 

On a évolué dans l'indifférence la plus totale. Dans ce genre d’endroit, le système te met à part. Très tôt, on voit beaucoup de violences. La nuit, quand c’était l’heure d’aller se coucher, on entendait constamment des bruits. Et à chaque fois qu'on ouvrait la fenêtre, il y avait une voiture qui était en train de brûler. À 10 ans, avec des potes, on a ramassé l’arme d’un policier et on s’est baladés toute la journée avec comme si de rien n’était jusqu’à ce qu’un grand nous voit avec. Après, en grandissant, on a commencé à comprendre qu'il y avait des affrontements avec la police. Quand il y avait des émeutes, on ne dormait pas de la nuit et on avait ce sentiment que rien n'était fait pour changer la situation. Dans le quartier, il n’y avait aucune infrastructure. Dans d’autres villes, je voyais mes cousins faire des sorties avec leurs maisons de jeunesse alors que nous, on n’avait rien. Et quand on allait voir la mairie, on nous répondait qu’il n’y avait pas de budget. Quand tu sors de Grigny et que tu dis aux gens que tu habites là-bas, tu comprends qu'il y a un truc pas normal. Pour nous, tout ce qu'on vivait, toutes les violences, toutes les expulsions, c'était une habitude. Je suis quelqu'un qui n'a jamais eu de chance. Ce qu'il ne faut pas voir, je vais le voir. 

Qu’est-ce que ça a pu t’apporter ?

Ça m'a beaucoup forgé. Et comme je suis quelqu’un qui aime se renseigner, je me prépare à toutes les éventualités. Pour ce qui est purement musique, je me suis beaucoup intéressé à la carrière de Dinos ou de la MZ par exemple, des mecs qui ont eu des problèmes dans l’industrie. Et le jour où je suis confronté à la même situation, j’avais plusieurs solutions pour m’en sortir. Quand le label dans lequel j’étais s’est fait dissoudre, j’étais préparé au choc, même s’il était violent. 

Tu as déjà regretté que le mot « système » ne soit plus employé par le rap. Qu'est-ce que tu entends par là et pourquoi, d'après toi, les rappeurs n’en parlent plus ? 

Ce que j'entends par « le système », ce sont les personnes qui dirigent. Les dirigeants, les politiques, toutes ces personnes au pouvoir. Et je pense que les rappeurs n’en parlent plus parce qu’ils ne sont pas au courant. Certains sont débranchés de la réalité et rentrent au studio juste pour faire du son. La réflexion, ce n'est peut-être pas ce qui les intéresse. 

Pour revenir à ta carrière, le rebond se fait en 2023, notamment grâce à ton feat avec La Fève. Encore aujourd’hui, tu l’invites sur ton projet. Comment cette relation s’est-elle nouée ?

Skefre : J’avais annoncé sur Instagram que je voulais me lancer en solo et il m’a envoyé un message alors que je ne le connaissais même pas. On parle, je découvre qu’il rappe, je tombe sur « Mauvais Payeur », et je lui dis que le son est chaud. Il me retourne le compliment et me sort des barz à moi ! Je lui propose qu’on se capte au studio, l’alchimie passe directement et on enregistre « COMME MOI ». On fait une photo de nous deux, elle part sur Twitter, et les gens deviennent ouf. À ce moment-là, je capte qu’il y a une musique nichée à Paris, et ce qu’elle représente.

Broky Dollaz : Quand La Fève vient voir Skefre et lui parle de Chivas, on découvre que le public underground nous écoute énormément. Quand t’es entre quatre murs dans ta cité, tu ne réalises pas. Tu postes tes clips sur YouTube et tu essayes de faire kiffer tes potes. On s’est rendu compte de l’écho qu’on avait.

Photographie de Skefre

© Sélane / Mosaïque Magazine

Dans « Le 17 tue », tu dis : « J’aurais aimé grandir dans le 16 comme rappeur de la new wave, mais moi, j'ai grandi où les keufs cachent la drogue dans ton jean. » La Fève est sans doute actuellement le roi de cette « new wave », terme galvaudé que tu adores vanner. Quel regard portes-tu sur cette dualité ?

Aujourd’hui, il y a deux scènes dans le rap français : le mainstream et l’underground. Lorsque tu es issu d’un quartier populaire comme le mien, tu ne connais pas le rap underground. C’est pour les Parisiens. Les gens se demandaient pourquoi je ramenais un La Fève au lieu d’un Leto ! Quand je crache sur la new wave, c’est celle qui ne respecte pas les codes. La Fève, il respecte. Je suis allé fouiller, j’ai vu des freestyles de lui sur de la boom-bap ! Il a les bases du vrai rap et c’est aussi pour cette raison qu’il a pu arriver là où il est. Nous, dans nos clips, on était très américains. Les mecs de ma cité ne comprenaient pas. Pour Grigny, on était spé’, on avait un délire un peu new wave justement. Mais quand on venait sur Paris, les gens étaient comme des ouf ! Jusqu’à notre rencontre avec La Fève, on n'avait jamais compris pourquoi.

Le terme « rap underground » a également perdu de son sens, notamment chez le jeune public. Comment le définirais-tu ?

Comme le rap américain français. Il est à contre-courant du mainstream, il casse les codes. Le mainstream tourne en rond, quand le rap underground est riche artistiquement.

Collaborer avec La Fève t’as aussi ouvert d’autres portes comme celle du morceau « ZONE » avec Lyele qui a été clippé récemment. Raconte-nous sa création. 

La Fève a voulu me le présenter. Au moment où on se voit, ils reviennent d’Atlanta. On parle de leur voyage, on oublie même de rapper ! Lyele me dit qu’il kiffe ce que je fais et m’invite sur son projet. Il me fait écouter l’instru de « ZONE » et je lui dis : « Waw, tu me mets en mode album, je n’ai jamais rappé sur des prods pareils ! », c’était vraiment un autre niveau par rapport à ce que j’avais l’habitude de faire. Très musical, très subtil. Le même jour, on fait « BASEMENT » et on reste la nuit au studio. Aujourd’hui, ce sont mes gars. C’est au-dessus de la musique. Ils m’ont appris beaucoup de choses. Tu peux leur parler autant de la soul des années 1970, que de R’N’B’ des années 2000 ou de rap super actuel. 

Sur le projet, on retrouve Ratu$, Igo, Stavo ou encore La Fève. Qu’est-ce qui les rapproche de toi ? 

Le rap. Cette musique casse toutes les barrières. Tu as beau venir du 93, du 92 ou de n’importe où, si tu sais rapper, il y aura une place pour toi. 

Sur Instagram, tu as présenté CAPITALISTE comme étant ton dernier album. Vraiment ? 

Je suis un troll hein. Je me posais beaucoup de questions. Au moment où je l’écris, peut-être que j’arrête vraiment ma carrière ! Parfois, la musique m’inquiète un peu. Le rap devient trop capitaliste, ça pourrait me dégoûter un jour. Pour moi, l’art passe avant tout, comme les rappeurs des années 2000. Je suis un gars de l’écriture, j’ai envie que l’on me retienne comme un auteur plus que comme un rappeur. Moi, je suis fan de rappeurs comme Tandem, Mac Tyer, Mac Kregor, Despo Rutti, Alibi Montana… J’ai des étoiles dans les yeux quand je t’en parle. Ils racontaient la vraie vie, c’était fou ! J’espère que l’on se rappellera de moi comme on se rappelle d’eux. 

Tu tentes de nouvelles choses sur ce projet, notamment des mélodies autotunées comme sur « ELLE ME DIT ». Tu avais envie de changement ?

Oui. Je fais juste des freestyles à la base. Les gens ont connu Skefre à partir des « TRAPULEUX », alors que je n’étais même pas à 10% de ce que je sais faire. Je suis un chanteur, mais les gens ne le savent même pas encore !

Un morceau se détache du projet : « LE 17 TUE », une ballade anti-flics particulièrement marquante. Peux-tu nous raconter la création de ce morceau ?

Dès que j’entends la prod au studio, je sais déjà ce que je vais dire. En entendant cette instru, le mood qu’elle dégageait, c’était évident. Il fallait que je sois vraiment dans l’émotion. À la fin du morceau, j’ai mis le sonore de l’agression policière que Jolagreen23 a subi. C’est une sorte de rappel. La réalité, ce n’est pas Instagram.

Photographie de Skefre

© Sélane / Mosaïque Magazine

Tu dis aussi : « J’ai les deux mains faites pour l’or mais elles sont dans l’essence des cocktails pour Adama », en référence à Adama Traoré, mort en juillet 2016 à la suite d’un contrôle de police. 

Je suis issu d’un quartier populaire, ces violences, on les voit depuis petit. Les émeutes pour Zyed et Bouna en 2006, je les ai vécues par ma fenêtre, ça nous a un peu traumatisé. C’est resté en moi, dans mon ADN, je ne peux pas ne pas en parler. 

Tu as annoncé le projet avec un featuring avec Young Thug. Finalement, le morceau n’est pas disponible à la sortie. Que s’est-il passé ?

Pour recontextualiser, Grigny est une ville très culturelle, très cainri gangsta, où des fois ça ramène des Crips, des Bloods, et encore aujourd’hui. Quand on était petits, y avait des lowriders dehors. Quand je le racontais à des petits d’autres villes, il me prenait pour un fou. Il y avait par exemple un festival qui s'appelait le Grigny Glen Park où les grands ramenaient des gars de L.A, de Compton… À partir de là, les liens avec les gangs américains se faisaient. On trouvait ça cool, mais la première fois où je suis allé au festival, je devais avoir 12 ou 13 ans, je me suis rendu compte que les Crips étaient en chaise roulante. J’ai compris que ce n’était pas un jeu et que je n’allais pas m’amuser à dire devant une caméra que j'appartenais à ces gangs. Beaucoup de grands de chez nous sont connectés au rap de là-bas, comme Gizo Evoracci qui a feat avec Snoop Dogg, Coolio ou Nipsey Hussle par exemple. On a un autre grand qui est clairement devenu Crips et qui traîne avec Daz Dillinger quand il est à L.A. Pour les gens, les connexions Grigny-US, c’est des trucs de fou alors que pour nous c'est pas grand-chose. Les contacts sortent normal ! La connexion avec Young Thug s’est faite via un grand à moi. Mais ça coûte cher et donc ça bloque niveau financements. On est à la période où je pars en indépendant, donc on se demande si ça vaut vraiment le coût, s’il ne vaut mieux pas le garder pour un futur plus gros album, attendre d’être plus structuré… 

Mais alors, que s’est-il passé entre l’annonce et la sortie ?

Des appels entre managers, où on nous demande de rajouter de l’argent, et ils sont revenus sur l’accord. Ils ont vu l’ampleur de la nouvelle et qu’ils étaient en tendances Twitter en France ! Même la page fan de Metro Boomin a officialisé la chose. Ça aurait été limite mieux qu’ils ne voient rien passer. 

Ce n’est donc pas un coup de communication et le morceau existe bel et bien ?

Le feat existe, oui. Ça sortira peut-être plus tard. Une grosse trap qui s’est faite à distance. C’est lourd, mais tranquille. Il faut assimiler que la musique n’était pas forcément mon rêve, je suis devenu rappeur malgré moi. Je ne veux pas trembler. Je préfère faire une barz de fou que créer l’évènement.

Comment imagines-tu la suite de ta carrière ? As-tu la volonté de devenir une star quitte à épouser un schéma capitaliste ? 

Je suis déjà capitaliste. Le monde fait de nous des capitalistes. Dans le quartier dans lequel j’ai grandi, le mec qui reste en bas toute la journée, tu vas le voir avec la dernière Mercedes. Donc toi, forcément, tu vas vouloir la même chose. Pour moi, tu deviens capitaliste à partir de là. Inévitablement. Et pour ma carrière, moi, je continuerai à faire mon art. Je serai le plus heureux si ça me permet de faire de moi une tête d’affiche malgré tout. Quoi qu'il arrive, je resterai comme je suis parce que je n’ai jamais rêvé d'être une star.

Même pas le rêve d’un disque d’or ? 

Même pas [rires]. Si ça tombe, ça tombe. Mon vrai rêve, c'était d'être informaticien. C'est tout banal, mais c'était ça.

Justement, tu disais que tu aimes être un troll. Les réseaux sociaux et la culture Internet, ce sont des choses qui t’ont marqué ? 

Ouais, j'ai vu comment les cainris maniaient le truc et je suis un mec du PC. Si je n’avais pas fait de rap, j’aurais été un gamer. Et pour le côté troll, c’est juste que moi, à la base, je suis quelqu’un de très sérieux. Quand je suis arrivé dans le game, je l’étais beaucoup trop, surtout que je parle de trucs très durs. Et au fur et à mesure, j’ai compris que les gens ont aussi besoin de rigoler. Et j’imagine ma musique comme un sketch maintenant. Tu vas venir voir Skefre, tu vas rigoler, mais tu vas rigoler sur des trucs graves. Et tu auras appris quelque chose. Comme les films d’Eddie Murphy où tu penses que c’est un bouffon alors qu’il y a toujours un message derrière.

Un mot de la fin ? 

Si vous faites de l'art, ne vous laissez pas avaler par ce que vous voyez autour de vous. Restez libres et continuez à créer comme bon vous semble. J’aurais pu, lors de mon premier deal en maison de disques, proposer un rap lisse et mainstream. Mais je veux faire ce que j’ai envie de faire même si ce n'est pas à la mode. Il ne faut surtout pas rentrer dans les normes. 

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