Nono La Grinta : « Je suis là pour niquer la concurrence et l'industrie »

  • Propos recueillis par Cyprien Joly
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C’est Place Vendôme que l’on donne rendez-vous à Nono La Grinta, impressionnant jeune homme trois fois trop grand pour son âge. La mine fermée et pourtant très amical, le rappeur du XIXe s’empresse de filmer un TikTok pour rentabiliser son déplacement dans les beaux quartiers parisiens. Une fois la balade finie, nous nous installons dans un fast-food bondé, afin de discuter entre deux crocs, pour sa première interview. Celui qui vient de sortir l’EP Restart a faim, très faim. Et il est bien déterminé à tout dévorer sur son passage.

Tu as choisi d’être rare jusqu’à présent, c’est ta première interview. Pourquoi ce choix ?

Pour des raisons personnelles. J’ai envie d’en faire à l’avenir, de me raconter un peu plus. Je voulais améliorer mon image avant de faire des interviews, aujourd’hui on peut commencer. 

Tu peux nous expliquer ton nom : « Nono La Grinta » ?

Mon prénom c’est Noé, et « La Grinta », c’est la rage, littéralement. Je la ressens depuis ma naissance. Je voulais trouver quelque chose autour de ce sentiment, mais je ne trouvais pas quoi. Un pote m’a dit : « la grint », ça part de là. Je veux avoir le plus de détermination possible dans ce que j’aime faire. Depuis petit, il n’y a que la musique qui me passionne.

Tu as commencé avec le NJK gang, un trio devenu duo. Quel souvenir gardes-tu de cette expérience en groupe ? 

C’est mes sanchos, mes frères, on a commencé ensemble. Petit à petit, j’ai eu envie de continuer. Ils avaient leur vie privée, leurs trucs à faire, et moi j’ai poursuivi sans jamais lâcher. J’ai sorti un son en solo, « On va les faire », que les gens ont kiffé de ouf. Le clip a pris d’un coup et il est monté jusqu’à 500 000 vues sur YouTube. Je me suis dit qu’il y avait un truc à faire.

Nono La Grinta devant l'obélisque de la Concorde à Paris

Nono La Grinta devant l'obélisque de la Concorde à Paris © Streetchiwa / Mosaïque Magazine

Tu viens du XIXe arrondissement, un sujet récurrent dans ta musique. Qu’est-ce que tu aimes dans ce quartier ?

C’est mon hood, la base. J’ai toujours habité là-bas. J’aime la vie, l’atmosphère, mes potes. Les gens du XIXe sont de bonnes personnes. On est tous solidaires entre nous, petits ou grands. Je compte y rester mais le jour où j’ai un gros billet, je me casse de la France. Je ne veux pas mourir là où je suis né, il faut viser plus haut. 

À quoi ressemblait ton enfance dans ce quartier ?

Pour être honnête, j’allais à l’école et je vendais de la drogue. Rien d’autre. J’étais content parce que j’avais plus d’argent que les gens de ma classe. Même si je travaillais bien, je n’ai jamais aimé les cours. Il n’y avait pas d’argent à se faire et c'était ennuyant. J’ai arrêté l’école en seconde, dès que les vues ont commencé à monter et que les maisons de disque m’ont approché.

Le deal, la musique, l’école… Tu as été confronté à des sujets sérieux dès l’adolescence.

Oui. Ça ne m’a rien fait le jour où on m’a proposé une avance. J’ai quand même niqué mon argent, mais je savais gérer un minimum. 

Qu’est-ce que tu écoutais quand tu étais jeune ?

Pas mal de sons français comme Koba LaD, Heuss L’enfoiré, Ninho, Booba, Zola, Kodes… J’écoutais tous les locksés. J’ai toujours été ouvert à tout, mais je suis plutôt branché States : Migos, Chief Keef, King Von, Lil Durk, Lil Baby, Ian, Playboi Carti, Kodak Black... Tout petit, j’écoutais Michael Jackson et Katy Perry, ou même des sons du Nigeria. Je me suis fait cette culture tout seul parce que ma famille n’est pas dans la musique. Mon père est un catcheur-boxeur, rien à voir. Mais on est Congolais, la musique glisse dans le sang. Ma mère, elle, est Égyptienne-congolaise. 

Tu aurais un rappeur du XIXe à nous conseiller ? 

LaHasba22, c’est tout. C’est mon gars de ouf, c’est un pote à la base. La manière dont il débite est incroyable et j’aime trop la drill qu’il fait. Ce n’est pas un grand chanteur mais il fait de la putain de musique. Les autres, on est ensemble, mais chacun fait sa musique.

Photographie de Nono La Grinta à Paris

Nono La Grinta à Paris © Streetchiwa / Mosaïque Magazine

Comment as-tu commencé à faire du son ?

La première fois que j’ai chanté, c’était pour recopier Michael Jackson. J’avais 6 ou 7 ans, je regardais ses concerts ou ceux de Drake et Chris Brown et j’essayais de faire comme eux. Je mettais les habits de mon daron et je lui demandais si c’était bien ce que je faisais. Vers mes 13 ans, j’ai eu envie d’aller au studio. C’est pour payer les sessions que je me suis mis à vendre de la drogue. Au début je puais la merde, ça n’avait pas de sens, mais il y avait de l’ambiance.

« 75022 » est ton premier vrai buzz en solo. Comment l’as-tu vécu ?

J’étais dans ma cité, ça ne m’a rien fait, ça n’a rien changé. Je peux seulement dire : Dieu merci. Pour moi ce n’était qu’un passage de la vie, même pas un trophée.

Il y a ensuite eu la confirmation avec « LA QUOI ? » en featuring avec La Mano 1.9. Il se passe quoi dans la tête d’un jeune de 17 ans ?

No stress, ce n'était qu’une étape de plus. Je m’en battais les couilles en vrai. Quand tu sais que tu es destiné, tu n’as aucune raison de paniquer. Je me connais, je sais faire de la musique. Je reviens quand je veux et je nique tout. Je suis sûr de mon talent, les gens n'arrivent pas à me mettre la pression. 

Et être reconnu dans la rue, comment tu le gères ?

Ça fait bien chier quand t’es dans ta vie privée. Sinon, j’adore voir des fans. Quand tu es connu, tu apprends à tout faire pour que l’on ne te voit pas. À la base, je marche à pieds ou je prends le métro, mais j’ai capté que je ne pouvais plus. Mais ça me permet de prendre au sérieux le travail du début à la fin. 

Enchaîner les succès, ça pousse à vouloir toujours plus ?

Plus ça monte, plus je veux continuer. Chaque jour, je rencontre de nouvelles personnes pour créer de la meilleure musique qui ira encore plus loin. Je peux parler d’autres langues, j’ai des sons en anglais qui ne sont pas sortis. Je veux être partout, il faut être un Michael Jackson. 

Nono La Grinta à Paris

Nono La Grinta à Paris © Streetchiwa / Mosaïque Magazine

Est-ce que tu sortiras un grand album... comme Michael Jackson ?

Chaque chose en son temps, ça se fera un jour. Il y a déjà celui que je viens de sortir, RESTART, qui est vraiment pas mal. On a pris un an pour le faire. L’album est sur ma vie, mon année 2024. Je ne veux pas donner trop d’indices, mais les gens comprendront. 

Qu’est-ce que ce projet a de particulier ?

J’ai mis beaucoup de moi dedans, j’y ai mis mon cœur. Le projet m’a marqué, physiquement comme mentalement. Mon équipe m’a aussi beaucoup aidé en studio, là où avant j’étais souvent seul. C’était du travail sérieux. Je sais que le projet va prendre, je suis trop serein. 

Quand on découvre Nono La Grinta, on remarque l’énergie de tes gestuelles, ta façon de crier dans le micro... D’où ça vient ?

J’ai ça en moi, je ne sais même pas l’expliquer. Ce que je sors extérieurement, c’est la moitié de ce qu’il y a intérieurement. Je sais quand je dois canaliser mes émotions et quand je peux les laisser sortir. 

RESTART marque un changement d’identité musicale. Tu passes de la drill et de la hoodtrap à quelque chose de beaucoup plus mélodieux. Pourquoi ? 

Je n’en sais rien, j’imagine que ça devait se passer. Je suis allé au studio un jour, j’ai vu que ma voix avait baissé et je me suis dit que je devais changer. Avant, je ne voulais pas d’autotune dans mes sons, mais depuis quelques temps j’apprends à le gérer, pour bien manier ma voix. Je pensais que c’était de la triche, mais en fait c’est un boost.

On te connaissait notamment pour des sons drills très énervés, est-ce que l’on en entendra encore à l’avenir ?

Oui, mais en mieux. La carrière de Nono La Grinta est une série, il y a des saisons et des épisodes. Chaque épisode sera meilleur que le précédent. 

Quel est ton processus de travail en studio ?

J’écris à l’avance quand je veux développer ma plume. J’ai écrit « Hollande » de cette façon par exemple. Le morceau est sensationnel, tu as besoin d’une bonne écriture. Quand ce sont des sons plus légers, je vais dans la cabine direct et je balance que du « grra ». Il ne faut pas parler avec réflexion, il faut le faire avec énergie. Je ne réfléchis jamais à ce que je dois faire en arrivant au studio. La prod et moi, on est aimantés. Et si je peux donner un conseil, écrivez sans la prod. Si ça passe sans rien, ça passe partout.

Photographie de Nono La Grinta à Paris

Nono La Grinta à Paris © Streetchiwa / Mosaïque Magazine

Dans le projet, tu évoques toujours la drogue, les femmes et l’envie de tout niquer. Y a-t-il d’autres sujets que tu as envie d’aborder ?

Fort. Petit à petit, mes textes vont s’améliorer. Je vais raconter des histoires, j’en ai trop à partager. L’écriture est importante, il faut être compréhensible. Même les mamies peuvent écouter Nono La Grinta. 

Il n’y a aucun feat sur RESTART. Pourquoi ?

Parce qu’on ne suce aucune bite ! [rires]. Non, je rigole. Mais il fallait montrer qu’on a besoin de personne. Je ne me considère même pas dans la « new gen », je suis différent de tous les jeunes avec lesquels on me compare. Chaque jour, j’entends de nouvelles bêtises. Je vais dépasser tout le monde, même ceux dont je ne connais même pas le blaze. Je suis là pour tout baiser, niquer la concurrence et l’industrie. Comprendra qui pourra. Il faut se barrer au bon moment. C’est du business. Je veux faire kiffer mes auditeurs, mon argent et ma famille. Le reste, j’en ai rien à foutre.

Malgré cette absence de feats, on en voit souvent passer, qui parfois ne sortent même pas. Tu aimes collaborer ?

Oui, surtout avec des artistes étrangers. Je veux voir comment ils travaillent, comprendre si je suis fou ou pas. J’aime les Anglais et les Américains parce qu’ils ne conçoivent pas ça comme un travail, c’est une question d’énergie. 

On attend aussi le feat avec Merveille, avec qui tu apparais beaucoup. Quelle est votre relation ?

C’est ma cousine, mon sang. Elle est comme ma petite sœur. Le feat arrivera, on attend juste de bien se développer et on enverra une bombe. On n'a pas encore fait de sons où on travaille sérieusement elle et moi.

À quoi ressemblera la suite artistiquement ?

En ce moment, je teste plein de choses. Je fais tout ce qui me chante, on verra. 

Un mot de la fin ?

Faites gaffe à Black Cat. La concurrence. Grra !

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