Les coulisses de la scénographie du concert de NeS à la Cigale

  • Propos recueillis par Victor Dimitrov
  • Date

Faire sa première Cigale à 19 ans, c’est un bel accomplissement. Une soirée unique pour NeS dont la scénographie a été pensée par deux membres du collectif TKSH, spécialement pour l'occasion. Mercredi, deux jours avant le concert, Jérémy (25 ans, réalisateur et photographe) et Arnaud (23 ans, réalisateur), nous ont raconté leur première expérience de mise en image d’une scène, les contraintes auxquelles ils ont fait face et l’énergie que demande cette étape importante de la carrière d’un·e artiste. 

Vous avez réalisé la scénographie du concert de NeS à La Cigale, c’était votre première fois ?

Jérémy : Oui ! On travaille avec NeS depuis un an. On est sur la direction artistique de tous les visuels autour de l’artiste. Du coup, ça semblait logique que pour une date aussi importante, on se charge de l’aspect visuel. On ne s’est pas occupé de la lumière. C’était la mission de Raphaël, l’ingénieur lumière qui a fait un taf de fou. De notre côté, on a aiguillé sur le mood, les couleurs, pour que ce soit cohérent avec l’univers de NeS. On a tourné des images qui seront projetées sur un écran, en 3D ou en animation 2D.

Photographie de NeS sur scène à la Cigale

NeS lors de son concert à La Cigale. © Mosaïque Magazine

Quelles ont été vos principales contraintes ?

Arnaud : Il a fallu trouver l’équilibre entre tous les éléments : la lumière, l’image, l’artiste… Quand tu projettes sur un écran, tu peux penser qu’il prendra le dessus sur le reste, mais la lumière prend une place ultra-importante. La scène est un média tellement différent de ce qu’on fait habituellement. Quand on réalise des clips, la dynamique, le rythme et le contraste n’ont rien à voir. En réal', tu dois penser au fait que le spectateur est concentré sur le visuel, mais sur scène, ce n’est qu’une partie de l’expérience. L’enjeu était de trouver le bon équilibre dynamique. Pour bien doser tous les éléments, on a fait une semaine de répétition du concert.

Comment est-ce qu’on adapte une scénographie à la direction artistique d’un artiste ?

Arnaud : Pour NeS, la direction artistique est dans la continuité du clip « Le sourire d’une tombe » et de la cover du projet Ça va aller. On a créé un visuel de montagne en 3D, dans la neige, pour rappeler l'esthétique de l’EP. On a aussi pensé la scénographie autour de l’évolution du show. À la fin du concert, les effets deviennent plus dynamiques et les couleurs plus chaudes.

Jérémy : On a une connexion avec l'artiste, on s’envoie très souvent des références. On se connaît assez pour se comprendre et savoir ce qui va parler à NeS. C’est comme des briques qu’on pose inconsciemment sur la même ligne.

Le visuel de montagne en 3D conçu par Arnaud pour La Cigale de NeS

Le visuel en 3D conçu par Arnaud pour La Cigale de NeS. © TKSH

Est-ce qu’il y a des idées que vous n'avez pas pu réaliser ?

Arnaud : Oui, mais on ne peut pas le dire parce qu'on va sûrement les réutiliser. 

Jérémy : Au début, on voulait faire des trucs de débile. Quand tu n’as jamais fait ça, tu ne connais pas les contraintes et on voulait faire des dingueries. Peut-être que si on avait pu déléguer, on aurait pu avoir beaucoup plus de moments « timés » [calibrés à la seconde près]. La contrainte majeure, c’était le fait de ne pas être nombreux, mais pour une première expérience, c’était parfait. Ça nous a permis de s’essayer à tout.

Faire une scénographie à La Cigale, c’est contraignant ?

Arnaud : On se disait qu’une Cigale c’était une grosse salle, très importante pour un artiste. Mais c’est pas la salle dans laquelle tu peux le plus t’exprimer visuellement. Il y a beaucoup de codes, de règles… 

Jérémy : C’est comme quand tu fais ton premier clip, on t’annonce un budget, et après, tu te rends compte qu’en payant les gens, l’assurance tournage, la prod etc., il ne reste quasi plus rien. Au début tu as des étoiles dans les yeux, et au final, tu te rends compte de la réalité du truc.

Photographie de la scène à la Cigale de NeS

La Cigale de NeS. © TKSH

Est-ce qu’il y a des éléments que vous vouliez absolument avoir ? 

Arnaud : On voulait que l’écran fasse toute la taille de la scène. Ce n’était pas négociable. C’est la première chose qu’on a évoqué en rendez-vous. 

Combien de temps ça vous a pris pour la préparer ? Et pour l’installer ? 

Arnaud : On a commencé en juin et fini en septembre. Vendredi, on installe tout, en une journée. Comme on a passé quatre jours à répéter, on avait un écran qui ressemblait à celui qu’on aura à La Cigale et on a pu s’entraîner.

Vous avez aimé ce nouvel exercice ? 

Jérémy : En vrai, c’était bien, mais pour le prochain, il faudrait qu’on puisse déléguer. Il y a énormément à faire sur un show de plus d'une heure. C’est Arnaud qui a géré tout le travail de postproduction. C’était une partie longue et fastidieuse. La prochaine fois, on engagera des gens.

Image projetée sur l’écran lors du morceau « Yeux qui gouttent » de NeS

Image projetée sur l’écran lors du morceau « Yeux qui gouttent ». © TKSH

Le refaire pour d’autres artistes, avec la même liberté, vous y pensez ?

Ensemble : Non.

Arnaud : En fait, la relation qu’on a avec NeS est tellement fusionnelle qu’on peut le faire pour lui. Il nous laisse gérer toute la DA visuelle.

Jérémy : Peut-être qu’un jour, on se prendra le truc et qu’on se dira qu’on pourra devenir scénographes. Mais là, c’était juste naturel, fluide et humain. Quand on faisait un shoot pour NeS, on se disait : « Peut-être qu’on peut faire ça ou ça pour La Cigale », alors que le concert n’était même pas encore annoncé. Il n’y avait pas tout à fait ce côté professionnel. On ne se considère pas scénographes, là, c’était un truc de potes. Si quelqu’un nous contacte pour une scénographie, on ne pourrait même pas lui faire un devis. On sait juste combien coûte un écran, mais on ne connaît encore rien. C’était vraiment une première approche.

C’est quoi votre plus grosse crainte ?

Jérémy : Les timings ! S’il y a un décalage, tout est baisé. Au début il y a une vidéo qu’on projette, si elle se lance sans le son, l’effet d’impact est mort. 

Arnaud : En fait, ce sont des peurs qui ne reposent pas sur nous. Tout le monde nous dit que ça n’arrivera pas. On a confiance, mais tu ne peux pas enlever ce petit stress. 

Jérémy : C’est pas comme un clip, là c’est un live, s’il n’y a pas l’effet escompté, c’est fini. 

Vous attendez des grosses réactions du public ? 

Arnaud : Ouais à l’intro. Je pense que je vais pleurer [rires]. Elle dure une minute, avant que NeS monte sur scène. C’est une partie sur laquelle on a beaucoup travaillé. Ça va faire monter la pression avant qu’il arrive. On va entendre les gens qui crient, c’est sûr, ça va nous toucher.

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