Nahir : « Devenir celui que je suis faisait partie de mes rêves »

  • Propos recueillis par Chaïmaa Alioui
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Son retour était attendu depuis l’été 2023. Un an et demi d’absence pour celui qui répond au nom de « surdoué du rap ». Pourtant, Nahir n’est pas un adepte de l’école buissonnière. Son nouvel album est le fruit de plusieurs mois de travail au studio entouré de cinq jeunes talents. Ils et elles ont été choisi·e·s par le rappeur pour participer au processus créatif de Rien Sans Lien. Une façon pour l’artiste de Bobigny d’assouvir ses besoins de transmission.

Comment te sens-tu un mois après la sortie de ton album ?

Je suis content des retours, l'album a reçu un bon accueil. Les gens disent que c'est le meilleur et mes proches aussi. Il y a beaucoup de choses qui sont dites. Plus on me connaît dans l'intimité et plus, finalement, on comprend Rien Sans Lien

Ton dernier projet remonte à plus d’un an et demi. Que s’est-il passé pour toi pendant ce temps-là ?

J’étais en studio mais je ne pouvais pas sortir de morceaux en raison d’un problème contractuel. Pendant tout ce temps-là, j'ai pu travailler sur ma musique et gérer plein d'autres choses en dehors. Dès que j'ai pu, j'ai envoyé du son. 

Pourquoi avoir choisi d’appeler cet album Rien Sans Lien ?

Mes proches occupent une grande place dans ma vie. Pour moi, il n'y a rien de plus important que la famille car il n'y a que ça qui reste, avec ou sans musique. Dans le rap, je travaille en famille depuis que je suis tout petit. En revanche, je suis quelqu'un d'assez solitaire. J'ai besoin de moments où je suis tout seul, dans ma bulle. Même si je sais que je peux compter sur mes proches.

Photographie du rappeur Nahir en plan serré

© FIFOU

C’est un projet que tu as construit en intégrant cinq jeunes talents au processus créatif. Peux-tu nous expliquer quelle a été leur implication ?

Je me suis questionné sur le message que je voulais véhiculer avec cet album que je considère décisif. Je ne m'exprime pas beaucoup sur les réseaux et je suis très discret. Donc, on ne sait pas vraiment qui est Nahir, ce qu'il a comme valeur, ce qu'il transmet. En faisant ce projet avec des jeunes, je montre que c’est possible de réussir dans la musique si on s'en donne les moyens. Ils ont été impliqués dans tous les domaines de la conception de mon album. Cette expérience est l’une des plus belles que j'ai vécues dans la musique. Ils ont réussi à m'apprendre des choses sur moi. Je me suis vu en eux quand j’étais plus jeune. Ils sont remplis d'idées, déterminés et ils ont envie de réussir. 

Cette collaboration fait d’ailleurs penser à l’EP participatif 2069’ de PLK... 

Je n'avais pas fait le rapprochement, mais je trouve ça toujours lourd que les artistes fassent participer les fans à leur projet. Finalement, ils sont les premiers qui vont soutenir, donc c'est important d'avoir leur vision. 

Comment les as-tu choisis ? 

Un casting a été fait par mon équipe. On a gardé cinq jeunes qui étaient tous assez différents. J’avais envie de ne pas avoir uniquement cinq rappeurs mais des personnalités qui s'intéressent à tous les corps de métier dans la musique. Il y a un beatmaker, deux rappeurs, une ingénieure du son et un vidéaste. On s’est rencontrés et depuis, je me suis attaché à eux ! 

Photographie du rappeur Nahir avec cinq jeunes

© FIFOU

Qu’est-ce qu’ils ont apporté à ton album ? 

Ils sont arrivés à la fin de la réalisation du projet, alors que je n’arrivais pas à sélectionner les morceaux. Ils m’ont ouvert les yeux sur ce que mon public voulait entendre de moi. Je n’avais pas envoyé de son depuis un moment donc, je ne savais plus vraiment où j'allais musicalement. Les faire participer au morceau « Tom Sawyer », par exemple, m'a aidé à avoir une vision plus large.

Qu’ont-ils appris à tes côtés ? 

L’expérience d’un artiste expérimenté. On a fait des maraudes ensemble, je les ai ramenés en maison de disque… Ça leur a appris toutes les branches du métier. Ils ont fait des tournages de clips avec moi, des séances studio, des choses qu'ils n'avaient peut-être pas eu la possibilité de voir avant. J’ai eu un rôle de grand frère parce que, dans la vie de tous les jours, je suis l’aîné de cinq frères et sœurs. Pour moi, c'était quelque chose de naturel. 

Les deux artistes du groupe ont pu performer certains de leurs morceaux lors de ton Planète Rap, comment as-tu vécu le moment ?

On avait fait d'autres morceaux ensemble et, à Planète Rap, ils m'ont fait la surprise d'avoir bossé ensemble de nouveaux titres, sans même que je sache. J'étais super content ! C'est ce qui m’a fait le plus plaisir dans cette aventure. Elle a créé une relation et des liens entre eux, sans forcément que j'aie besoin d'être là. 

Photographie du rappeur Nahir assis sur un fauteuil

© FIFOU

Sur Planète Rap, tu as d’ailleurs battu le record du freestyle le plus long en rappant 46 minutes. Pourquoi vouloir surmonter ce défi ?

Quand j'étais petit, devenir celui que je suis aujourd’hui faisait partie de mes rêves. J’ai regardé tellement de freestyles d'anthologie sur Skyrock où les rappeurs essaient de battre le record que je me devais de le faire le jour où on m’en donnerait l’occasion. 

Pourquoi avoir filmé le processus créatif de Rien Sans Lien et en avoir fait un documentaire ?

Déjà, pour que les jeunes puissent avoir de la visibilité. Et aussi pour donner envie à d'autres de créer des concepts autour de la transmission et d’inspirer. On montre qu'on peut apprendre de tout le monde. Ce n'est pas forcément l'artiste qui donne des leçons. C'est vraiment un sentiment de partage. Je suis quelqu'un qui aime transmettre son savoir et ses valeurs. Par exemple, en studio, j'écris pour certains, je topline pour d'autres.

Est-ce la raison pour laquelle tu as invité les talents qui t’ont accompagné sur la cover alternative du disque ? 

Exactement. Et même sur la cover principale, ils sont dans le fond. C’est aussi pour montrer que ce n'est pas que mon projet, c'est notre projet.  

Photographie du rappeur Nahir avec cinq jeunes

© FIFOU

Dans Rien Sans Lien, on entend à plusieurs reprises des sonorités maghrébines. Était-ce dans cette même idée de transmission et d’héritage ?

Après le projet Intégral 2 #POV, j'ai eu besoin de me ressourcer. J'ai voyagé et je suis parti dans mes deux pays d'origine [l’Algérie et le Congo] la même année. Ça a peut-être influencé ma musique inconsciemment. De base, j’écoute souvent du raï et du rap algérien. Quand je suis en Algérie, je suis en lien avec des artistes et j'essaie à ma manière de faire avancer le mouvement. Finalement, pour moi, Rien Sans Lien est l'aboutissement de tout ce que j'ai essayé de faire sur les projets précédents. Je me suis fait connaître avec les « Fin de couplet », les freestyles, etc. Mais dès le premier projet, Intégral, j'ai eu cette volonté de m’ouvrir pour que, justement, on ne soit jamais surpris de mes choix musicaux. 

On retrouve aussi Freeze Corleone en featuring sur « Moneygram Part. 3 ». En quoi sa présence était importante sur cet album ? 

On ne va pas se mentir, c'est notre premier featuring « Moneygram », il y a quatre ans, qui m'a réellement fait connaître au grand public. Puis, on a fait la deuxième partie il y a deux ans. C’était une évidence qu’il revienne pour la partie 3 dans un album qui s’appelle Rien Sans Lien. Avec Freeze, c'est naturel. Je l'appelle, on se retrouve, on fait du son, on kiffe, on clippe, et puis voilà. C'est toujours comme ça avec lui. 

Photographie du rappeur Nahir en plan serré

© FIFOU

Et puis pour boucler la boucle…

Ou pas ! [rires] 

Selon toi, que représente-t-il pour le rap français ? 

C'est quelqu'un qui a vraiment su montrer que le rap pouvait marcher en gardant ses propres codes, sans forcément avoir besoin de s'adapter, et en ramenant son propre univers. Je trouve aussi que c'est un exemple d'indépendance pour les artistes qui n'ont pas forcément la possibilité d'être en maison de disque ou d'être accompagnés. 

Est-ce qu’on te verra bientôt sur scène à Paris ? 

Peut-être bientôt, j’en parlerai en temps voulu. 

Un mot de la fin ? 

Ma musique, ce n’est pas que de la forme, c'est aussi beaucoup de fond. Prenez le temps de l'écouter et de la comprendre. Rien Sans Lien, c’est mon meilleur accomplissement personnel dans la musique. Allez streamer !

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