Tu es rentré à Bruxelles il y a quinze jours, après avoir été détenu par l’armée israélienne. Comment vas-tu ?
Les 48 premières heures étaient très bizarres. Mon corps et mon cerveau ne comprenaient absolument rien à ce qui se passait. Je me suis réveillé à 6 h du matin dans une cellule perdue dans le désert en Israël avec un fusil à pompe braqué sur la tête et à 21 h, j’étais dans les bras de ma famille à Bruxelles. Ça n'avait aucun sens, j’étais très sonné. C’est seulement au bout du troisième jour que j’ai commencé un peu à réaliser, même si ça reste dur à encaisser. Avec les autres personnes qui étaient à bord avec moi, on se rend compte qu’on est très peu à réussir à dormir la nuit. Beaucoup ont un stress post-traumatique. On vit les mêmes cauchemars, les mêmes paranoïas. Il y a des moments où j'arrive à balayer la poussière sous le tapis, et d’autres où j’essaie de l'affronter. Mais je me répète toujours que ce que j’ai vécu n’est rien par rapport au sort des Palestiniens.
Que fais-tu depuis ton retour ?
J'ai la chance de pouvoir prendre du temps pour moi, d'avoir une équipe qui est hyper compréhensive. Ce qui n'est pas le cas pour tout le monde. Certains se sont fait arrêter le vendredi, sont rentrés chez eux le dimanche, et étaient à l'usine le lundi matin. J’ai le privilège d’essayer de retrouver mes repères, des choses réconfortantes. Mais la priorité était de manger. Lorsqu’on a été arrêtés, on n’avait que l’eau des toilettes pour boire et on nous a donné du pain au bout de 36 heures.
Quel sentiment gardes-tu de cette traversée ?
La vie en mer est magnifique et j’ai réussi à vaincre ma phobie de l’eau. Il y a un tas de choses dont on pourrait parler : des couchers de soleil, des moments de solitude perdus dans l'horizon, de devoir vivre dans un espace confiné avec des gens que tu ne connais pas, de rencontrer autant de personnes passionnantes de tous les âges… Mais ce qui marque le plus reste le processus de kidnapping, de se faire enlever en mer avec une violence considérable. C’est difficile de penser aux bons souvenirs après ça. Même si ce qu’on a vécu était terrifiant, horrible, que ça nous a probablement traumatisés et marqués à vie, on était des prisonniers privilégiés. Ce n’est absolument rien par rapport au traitement des milliers de prisonniers palestiniens et palestiniennes. C’est important d'en parler, pour que les gens réalisent leur situation, mais aussi pour démentir ceux qui pensent que « la croisière s'amuse ». Comme si on arrivait au port, on nous donnait un sandwich et on rentrait chez nous, avec l'argent du contribuable. Ce qui est aussi absolument faux, puisque tout a été payé de notre poche.

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Te souviens-tu du moment où tu as accepté la proposition ?
J’étais seul dans mon salon et je me suis rendu compte que j’avais très peur. Peur de la mer qui est ma plus grande phobie au monde et peur pour mon intégrité physique. Et puis, j’ai eu un flash. J’ai réalisé que, plus tard, dans les livres d’histoire, on parlera des flottilles comme de la Résistance avec un grand R. J’ai compris que c’était plus grand que moi et le bout de mon nez.
Avant de monter à bord du navire Anas Al-Sharif, tu as fait une semaine de formation. Qu’as-tu appris ?
On nous apprend les règles de sécurité et de vie sur le bateau. On est vraiment des membres de l'équipage, on doit s'occuper des manœuvres, de l’entretien du navire, assister les skippers… On doit aussi apprendre à vivre avec des inconnus pendant quinze jours isolés en pleine mer. Donc, on a des formations relationnelles, de prévention des violences sexistes et sexuelles, et aux premiers secours. Il y a également des formations juridiques et historiques sur l’histoire de la Palestine, des protocoles de non-violence en cas d’arrestation ou toutes sortes d'attaques et des témoignages d’anciens membres des flottilles.
À quoi ressemble le quotidien sur le bateau ?
C’est un minivoilier avec sept personnes dessus. Il y a un cockpit sur lequel on ne peut pas être tous en même temps, sinon on serait trop serrés. À l’intérieur, on dirait une cabane avec une petite cuisine et un petit salon. Il n’y a pas vraiment d’espace personnel à part une cabine de couchage qui ressemble plus à un sarcophage et qu’on partage à deux. La vie ressemble à une colocation : tout le monde range, fait la vaisselle, cuisine. On fait chacun des tours de garde qu’on appelle des « quarts ». Il y a toujours des personnes réveillées qui surveillent ce qui se passe. Je faisais partie de ceux qui communiquaient beaucoup sur les réseaux sociaux, donc cette mission me prenait aussi du temps. De toute façon, à bord, tout prend du temps. Se brosser les dents prend dix minutes, couper des oignons prend une heure. Se changer, aller aux toilettes, mettre un pantalon… Il n’y a plus de gravité. Tu as la sensation d’être dans une voiture qui fait des tonneaux tout le temps.
Quelles affaires avais-tu prises avec toi ?
Pas grand-chose. J’ai pris un bracelet et ma montre qui a survécu. Je l’ai depuis douze ou treize ans, je n’ai jamais changé les piles [rires]. C’est tout ce que j'avais de valeur sentimentale. Sinon, j’avais pris des bouquins, de la musique, des écouteurs, une liseuse qui a fini à la mer…
Quelles musiques écoutais-tu à bord ?
J’écoutais beaucoup Keny Arkana et Voyou. Il a une chanson qui s’appelle « L’Hiver » que j’aime beaucoup. On se faisait aussi découvrir des morceaux entre nous, je leur mettais des chansons rebeus, mais on n’avait pas beaucoup de data.
Qui étaient les six autres personnes avec toi ?
Il y avait deux skippers, notre infirmier Mustapha, la députée française Alma Dufour, un citoyen belge Mohammed, et une artiste suisse Anne Rochat. Sur l’ensemble de la flottille, j’étais autant avec des mecs de 20 ans qu'avec des dames de 85 ans qui ont lutté toute leur vie pour le droit des paysans en France, une autre pour la Corse… Toutes les causes se mutualisent et rien que ça, c'est la plus belle chose.
Hormis le kidnapping, il y a des moments qui t’ont marqué au cours de la traversée ?
La nuit, souvent, on avait un ciel étoilé magnifique avec des pluies d'étoiles filantes tout le temps. Je retiens aussi les moments d’échanges avec les autres voiliers. Parfois, on se saluait et on montait à bord, on prenait un café. La veille de l'arrestation, quand on approchait de Gaza, beaucoup d'oiseaux sont arrivés sur tous les navires de notre flottille. C'était la première fois qu'on voyait du vivant, c’était très beau, même si on n’a pas pu en profiter très longtemps.

En arrivant dans la zone à haut risque [l’endroit où des flottilles précédentes ont été attaquées et/ou interceptées], appréhendais-tu l’arrivée de l’armée israélienne ?
Je n’avais pas peur parce qu’on était encore très loin des côtes, à peu près à 300 kilomètres. On ne pensait pas qu’ils arriveraient déjà. Il nous restait environ 30 heures de navigation. On avait un vent qui était assez favorable et qui aurait dû nous permettre de voir Gaza au loin la nuit suivante. J’étais excité de voir l’une des plus belles choses de mes yeux : la Palestine. Finalement, je l’ai vue mais depuis la prison. Souvent, les gens disent que même si notre mission est noble, il ne faut pas s’étonner que l’armée intervienne alors qu’on s’approche d’une zone de guerre. Mais ce sont les eaux internationales, pas israéliennes ! Dans tous les cas, ils font ce qu’ils veulent et ils ont débarqué à 5 h du matin.
Comment se déroule le kidnapping dans la nuit du 7 au 8 octobre ?
Déjà, les soldats ont menti. Ils ont dit qu’ils avaient donné l’alerte mais on n’a rien reçu. Un camarade les a vus arriver au loin, a sonné l’alerte et on s’est tous mis sur le pont, les mains en l’air. Très vite, j’ai vu des lasers de partout sur nous. Sur notre bateau, ils sont montés à cinq. Ils nous ont mis des fusils d’assaut sur la tête et contre le cou. Je me suis pris un gros canon qui m’a écrasé le crâne. Je me suis dit : « C’est fini, ciao. » Tout autour, il y en avait 10 ou 15 autres cagoulés qui nous tenaient en joue. À partir de là, c’est un engrenage de torture psychologique : des insultes, des fouilles corporelles, des hurlements, des menaces… Ils nous ont foutu par terre et on a attendu pendant une heure entassés les uns sur les autres avant qu’ils nous chargent à bord d’un petit Zodiac. Au total, ils sont plusieurs centaines à être intervenus sur l’ensemble de la flottille et ont volé nos bateaux.
Où vous mène ce Zodiac ?
Il nous amène à un bateau gigantesque, un énorme navire de guerre. À bord, le vrai processus d’humiliation commence. Ce sont, par exemple, des positions très douloureuses sur les genoux, des coups de tête, des clefs de bras, des insultes racistes, des médicaments pour personnes âgées ou diabétiques jetés à la mer. Ils ont arraché des mains d’une dame de 85 ans un médicament que son médecin lui avait conseillé de prendre au moment où elle se ferait arrêter. Des femmes se font insulter de manière tendancieuse aussi, ils leur tirent les cheveux, encore plus aux femmes racisées. Ensuite, on donne nos passeports et on nous force à enlever nos vêtements pour entrer dans une cellule de six personnes qui se trouve sur le bateau. Sur la route, on devait lutter contre le froid parce qu’ils mettent la climatisation à fond pour nous empêcher de dormir. On ne savait pas où on allait, mais on se doutait qu’on se dirigeait vers le port d’Ashdod en Israël.
Quelle est ta première impression en arrivant sur le sol israélien ?
C'est le début de l’enfer parce qu’on est chez eux et qu’on n’a jamais été aussi vulnérables de notre vie entière. On arrive dans une sorte de gros hangar avec des milliers de personnes qui travaillent sur place pour nous « accueillir ». Tout est fait pour nous choquer, nous humilier et nous exposer au monde comme étant les criminels numéro un. Les civils qui passent nous prennent en photo. À nouveau, les soldats nous mettent des clés de bras. Tous les 15 mètres, ce sont des soldats différents qui prennent le relais pour nous casser : des croches-pieds, des projections au sol… Et puis, il y a un officier qui est attitré à chacun. C'est au petit bonheur la chance. Une fille s’est retrouvée avec une policière qui lui tirait les cheveux absolument tout le temps au point de les lui arracher, qui la mettait à genoux comme un chien alors que tout le monde était debout… On est leur petit jouet. Après être passés de fouille en fouille, on nous demande de signer des papiers alors qu’on n’a pas vu nos avocats. On ne nous donne jamais à manger, jamais à boire, on nous confisque toutes nos affaires, tous nos effets personnels.
Quel sentiment domine à ce moment-là ?
J’avais très peur, j’étais terrifié, mais surtout j’étais triste pour eux, pour leur humanité. Je regardais ces soldats et je me disais que s’ils avaient grandi dans l’amour ou ailleurs, on ne leur aurait peut-être pas mis tout ça dans la tête. J’avais de l’empathie, et en même temps, si on leur demandait de tirer sur des enfants, ils le feraient parce qu'ils ont signé pour ça. Même en regardant les civils, je voyais une société très plurielle, très diversifiée. Ce qui fait peur parce qu’ils ressemblent à mes potes, à mon daron... Je vois toutes les couleurs de peau, tous les styles, mais tous sont brainwashés. Rien que dans le hangar, il y avait une musique de propagande en continu.

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Tu as ensuite été transféré vers la prison de Ketziot ?
Le transfert est très violent. Ils nous ont menottés, ils nous ont enlevé nos lacets, nos derniers vêtements et ils nous ont fait monter dans un bus avec les yeux bandés. La perte de la vue est horrible. Je redoutais de me prendre une patate, un coup, et j’étais désorienté. On a attendu près d’une heure dans un tout petit compartiment, très serrés, sans aucune arrivée d'air. Il faisait extrêmement chaud, au point que des médecins bénévoles de la flottille nous conseillaient de ne pas trop parler pour rationner l'oxygène. Tout le monde transpirait, nos habits étaient entièrement mouillés. Quand le bus a démarré, en 40 secondes, ils ont mis la climatisation à fond. Le bus est devenu une chambre froide. Ils provoquent volontairement des chocs de température pour nous torturer. On a lutté pendant trois heures.
La prison où tu vas rester pendant trois jours est réputée pour être un « enfer carcéral ». Quelles ont été tes conditions de détention ?
J’étais dans une cellule de huit personnes où il n'y a rien, juste des lits bien dégueulasses. J'ai voulu soulever le matelas pour vérifier s’il y avait des punaises de lit, c'était une grave erreur. On était en tenue de prisonniers avec une toilette commune dans la cellule. Sans manger, ni boire. C’était trois jours de détresse psychologique. On n’avait aucune idée de l'heure qu'il était. Pour éviter qu’on rentre dans un sommeil profond, ils ouvraient la cellule toutes les trois heures. De manière très aléatoire, ils lançaient le processus antiémeute et débarquaient à 40 dans les cellules avec des boucliers, des gazeuses et des masques à oxygène en nous braquant avec leurs armes. Tout était fait pour nous traumatiser. Dans le hall qui est au milieu de toutes les cellules, il y avait un écran plasma géant sur lequel étaient diffusées en continu des images du 7 octobre : des femmes égorgées, des enfants décapités, des gens coincés sous les décombres, du sang, des cadavres… C’est une manière de nous dire : « Voilà de quoi vous êtes complices. » Il y avait aussi du bruit constamment, de la musique à fond, des chiens qui aboient. On était à une demi-heure de Gaza donc on entendait les bombardements, les avions de combat au-dessus de nos têtes.
Quelles étaient les insultes à ton égard ?
On me demandait ma complicité avec le Hamas, on me faisait des vannes : « Welcome to the new Palestine. » Ils disaient : « On va brûler la nourriture que vous avez amenée, mais ne vous inquiétez pas, on leur enverra les cendres », ou encore : « On va accrocher vos médicaments sur les missiles. » L’entièreté du processus a pour but de te faire réagir. Par exemple, un soldat peut venir gratuitement faire un front contre front avec toi, t’insulter, te gifler et t’arracher les cheveux. Et si tu réagis, ils te mettent dans un endroit à l’abri des regards pour faire ce qu’ils veulent de toi. C’est difficile d’être témoin de scènes de violence sans ne pouvoir rien faire, mais il le faut pour la sécurité de tout le monde.
Au bout de combien de temps as-tu reçu de la nourriture ?
Pour commencer, on n'a pas eu le droit de boire de l’eau, seulement celle des toilettes. Elle était un peu trouble, mais on a dû s'y résoudre parce qu’ils nous ont dit qu’on n'aurait rien d'autre. Avec un collègue, on a pris un grand verre et on a dit au reste de la cellule d’attendre 30 ou 40 minutes avant de le faire à leur tour pour voir si on allait être malades. J’avais tellement soif, j'en ai bu deux. On a fini par avoir du pain au bout de 36 heures. Un Turc qui était en cellule avec nous s’est levé. Il a posé un bout de pain par terre, il en a effrité un autre, avant de reposer un bout de pain dessus. En rigolant, il a dit : « This is my sandwich. » On a mangé du pain dans du pain, mais c'était tellement bon, j’avais tellement faim.
Comment apprends-tu que tu vas être libéré ?
Je pense que le public et ma famille étaient au courant avant moi. On n’a été informés de rien. Un jour, ils ont débarqué à 6 h du matin, armés jusqu’aux dents. Ils nous ont fait monter dans un bus. C’est la seule fois où j’ai eu une vue de l’extérieur. J’étais très impressionné et je me suis rendu compte que la prison est gigantesque, perdue au milieu du désert. Au bout de trois heures de route sans apercevoir une seule zone habitée, j’ai aperçu une maquette d’avions, j’ai compris que c’était l’aéroport. En descendant du bus, on a suivi une route sur laquelle on a croisé des civils qui nous lançaient des chants sionistes, qui nous insultaient, qui nous jetaient des trucs, qui essayaient de nous affronter physiquement… C’était vraiment la marche de la honte. Arrivés sur le tarmac, il y avait un avion de Turkish Airlines qui avait été affrété pour nous. Je suis monté et j’ai vu une centaine de personnes : que des détenus de la flottille. D'un coup, tout le monde s’est pris dans les bras, les gens ont fondu en larmes, on a commencé à faire l’inventaire pour voir qui manquait à l’appel. Mais ça y est, c'était fini. J’étais complètement sous le choc.

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Et vous débarquez à Istanbul…
Après deux heures de vol. C'est là que j’ai pu voir le consulat belge. J’ai passé des appels à ma famille, à ma copine, à mes manageuses. Et le soir-même, j’étais à Bruxelles.
Que retiens-tu de cette incarcération ?
Ce qui me terrifie, c’est que des Palestiniens prennent trois ans, cinq ans, dix ans, vingt ans de prison dans des conditions encore plus extrêmes. Notre incarcération montre aussi la réalité du traitement qui est réservé aux humanitaires par le gouvernement israélien. Mais on ne devrait pas avoir besoin de traverser la Méditerranée pour se rendre compte à quel point c’est dur d'être entre les mains de la police ou de l'armée, entre les mains du système carcéral. Rien qu’à Paris ou à Bruxelles, il y a des Noirs et des Arabes qui se font tuer par la police. Je trouve important de faire converger les luttes.
Le gouvernement belge a-t-il répondu à tes demandes de protection ?
Il a fait le minimum. Je respecte quand même la démarche parce qu'il y a des gouvernements qui ont été beaucoup plus passifs, notamment celui de la France. Ce qui compte, ce n’est pas que les ministères et les gouvernements se bougent pour nous. Il faut qu’ils se bougent pour la Palestine. Aujourd'hui, il n’y a pas de sanction, il y a eu une reconnaissance de l'État palestinien avec des conditions qui sont des reproductions du discours israélien. Ça ne suffit pas.
Pendant ton incarcération, le Hamas et Israël ont signé un cessez-le-feu – que chacun s’accuse déjà d’avoir violé –, qu’en penses-tu ?
Depuis une soixantaine d'années, il y a eu des cessez-le-feu. Il n'y en a pas un seul qu'Israël a respecté. Au contraire, ce sont parfois des périodes de réarmement très intenses qui peuvent les arranger. On a vu les populations s'en réjouir, des otages libérés, donc c’est bien, mais il faut toujours rester vigilant. L'aide humanitaire qu'Israël a autorisé à faire entrer dans la bande de Gaza est très faible par rapport aux besoins sur place. Le cessez-le-feu est aussi une extension de la gestion coloniale, surtout de la part de l’administration Trump. Il ne libère pas la Palestine, il la contrôle pour des intérêts qui ne sont pas ceux du peuple. Il faut rendre son indépendance à la Palestine. On a besoin que des citoyens se lèvent et fassent le taf que les dirigeants ne font pas. C’est pour ça qu’il y aura toujours besoin des flottilles. Il y a une nouvelle vague qui va bientôt partir.
Mardi 14 octobre, tu as été accueilli place de la République à Paris par des soutiens. Comment l’as-tu vécu ?
C'était très émouvant. J'ai juste pleuré pendant plusieurs heures parce que je revoyais tout le monde, tous ceux que j'avais vus sur des bateaux, en prison. On était en sécurité. Ce qui me gêne particulièrement, c’est le fait qu'on nous accueille comme si on avait fait un acte héroïque. Les gens nous applaudissent, nous prennent dans les bras, nous offrent des fleurs, mais on n'est pas montés sur les bateaux pour ça. On est montés pour dire qu’il faut garder les yeux rivés vers Gaza. À aucun moment cette mission n’était à propos de nous. Tout ce qu'on a vécu, on le pleurera sur les épaules de nos proches, mais on n'est pas à plaindre. À l'inverse des Palestiniens, on a choisi de monter sur ce bateau et en plus, on en est revenu.
As-tu envie de rajouter quelque chose ?
Cette traversée n’est pas faite pour sauver qui que ce soit. Notre position n’est pas condescendante de manière occidentale, il ne faut pas tomber dans les travers du saviorism. On veut, très humblement, amplifier une voix qui est étouffée, mais surtout pas la remplacer. Les Palestiniens ont toujours eu leur propre voix. De tout temps, ils ont raconté et documenté ce qui se passe là-bas, sans que ce soit considéré.