Dans la multiplicité du rap français de ce mitan des années 2010, la musique de PNL incarne le moment charnière le plus notable (avec celle de Jul, qui les a devancés d’une année). La curiosité d’un grand nombre d’auditeur·rice·s, le scepticisme et même le rejet d’une partie d’entre elles et eux, puis l’emballement populaire et médiatique rythment l’année 2015, de la sortie de Que la famille en mars à celle de Le monde Chico en octobre. Dans le schisme entre – si l’on grossit le trait – trap revigorant le rap de rue et boom bap millésimé, le duo de la cité des Tarterêts, dans le 91, rebat les cartes.

© Alice Moitié
Pourtant il y a, dans leur art, une sorte de familiarité avec le rap français qui l’a précédé. Ademo (Tarik, l’aîné) et N.O.S (Nabil) racontent la routine des charbonneurs de l’illicite, entre instabilité financière, adversité constante, misère affective et incertitude existentielle, mais avec un argot spécifique, des onomatopées curieuses et des formules parfois exaltées. Ils magnifient surtout un spleen palpable par leur alternance entre rap et chants sous autotune, et par une nouvelle forme musicale lente, aérienne – associée, à tort, au cloud rap de certains rappeurs américains (Lil B, SpaceGhostPurrp).
Si cet imaginaire a finalement imposé l’idée de « rap nuage » à la française, les inspirations musicales des deux frères se cherchent dans les aspects plus mélancoliques de la scène drill de Chicago – leur credo « Que la famille » traduit le « Only the Family » de Lil Durk. « Différents », sur Que la famille, penche même vers la drill la plus viscérale.

Si ce premier disque signale la fratrie à travers certains morceaux emblématiques (« Je vis je visser », « Lala », « Simba »), Le monde Chico installe définitivement PNL. Un titre en particulier marque un tournant : « Le monde ou rien », un hymne générationnel, de son nihilisme désenchanté à cette production planante, démarrant sur une guitare blues, tendant vers la « trapsoul » du chanteur américain Bryson Tiller. L’interprétation de Tarik et Nabil, habitée sans être exagérée, et ce clip tourné à la Scampia en pleine « gomorrite » aiguë du rap français, imposent le tandem pour les années à venir, de leur look à leur musique.