Lpee : « Prinzly a changé ma vision de la musique »
Après un passage remarqué dans la deuxième saison de Nouvelle École, Lpee trace son petit bout de chemin. Après une pause musicale, il dévoile un nouvel EP enregistré à Bruxelles, sorti ce vendredi 29 novembre, Merci pour les roses. Un disque de plus dans sa discographie déjà fournie, mais surtout l’histoire d’une collaboration avec le compositeur Prinzly, bien connu pour ses œuvres auprès de Damso, qui a bousculé sa pratique artistique.
À l’heure où l’on parle, ton prochain EP Merci pour les roses sort dans quelques semaines. Comment te sens-tu ?
Il y a du stress et aussi le fait qu’on ne s’arrête jamais. On travaille beaucoup entre Bruxelles et Paris, alors forcément c'est fatiguant. Mais c'est du bon et du positif dans l’ensemble.
Tu as déjà dévoilé un premier extrait, le single « Ma Life ». Es-tu satisfait des retours que tu as eus jusqu’ici ?
Franchement, j’en suis assez content. C'est la couleur que j'ai envie de défendre musicalement. Et au-delà de cet aspect-là, j’ai aussi une nouvelle équipe de production et de management. C’est le premier single qu’on sort ensemble et on avait tous des attentes. Ce projet est hyper éclectique et ce single était une première pierre avant que ça parte dans tous les sens.
Tu dis avoir changé d'entourage. Quand s’est faite cette bascule ?
Au début de l’année 2024. Le temps de se restructurer et de retravailler la musique. Je sentais que j'avais besoin de changement, de sang neuf. Je pense qu'on était arrivé au bout de ce qu'on voulait faire avec mon ancienne équipe. Tout s'est très bien passé jusqu'au moment où on a décidé d'arrêter. J'ai aussi fait une rencontre qui a accéléré ce processus : mon producteur Coco. Il a une approche différente, on s’entend très bien et on a décidé d’avancer main dans la main.
Entre-temps, tu as été plutôt actif. Il y a eu des singles, des freestyles, le passage chez Planète Rap… Il fallait occuper le terrain ?
Mine de rien, il y a quand même eu six mois où je n'ai rien sorti. Disons qu'à partir d'avril 2024, ça a été un run assez intense. C’était autant pour rester présent dans le paysage, que pour faire des tests et voir comment le public réagit. J’ai quand même une grosse partie de mon audience qui est nouvelle.
Tu as une phrase là-dessus sur cet EP : « Tu te fais désirer alors que personne ne t'attend. » Est-ce que c'est de l'humilité ?
Je suis lucide et réaliste sur le côté très buzz d’une émission comme Nouvelle École. Il peut retomber aussi vite qu'il est arrivé. J'ai pris beaucoup de temps avant de ressortir de la musique et je me rends bien compte de ma position. De l'extérieur, on pourrait avoir l'impression qu’on m'a déroulé le tapis rouge... mais pas du tout. Tout le travail est à faire maintenant.
Comment as-tu digéré ton passage dans Nouvelle École ?
Ça ne fait plus tellement partie de moi aujourd’hui. J’ai beaucoup avancé. Nouvelle École, ce sont surtout les gens qui me le rappellent quand ils me reconnaissent dans la rue. Mais je ne veux pas gommer ce truc-là, bien au contraire. Je suis content de l'avoir fait et je le recommande à tous les jeunes artistes qui veulent se lancer. Ça fait quinze ans que je fais de la musique, mais je ne m’étais jamais retrouvé devant des foules pleines à craquer de gens qui chantent mes paroles par cœur.
Tu as été invité sur le Planète Rap d’AMK. Tu as pu créer des liens avec d’autres candidat·e·s ?
Bien sûr. Ce qui est bien avec Nouvelle École, c'est que ça fait une mini-famille. AMK, je lui avais parlé littéralement trente secondes lors de la finale de la troisième saison. Je connaissais déjà son travail, mais pas l’humain. Et un beau matin, je me suis réveillé avec un message de sa part pour m’inviter sur Sky et qu’on découpe une prod.
Venons-en au fait. Quand as-tu lancé la création de ton nouvel EP Merci pour les roses ?
Au moment où Coco est venu me voir pour me demander avec qui je voulais travailler en termes de compositeurs. Il m’a demandé de lui écrire ma liste la plus folle ! Même des cainris. Et moi, en haut de la liste, le premier que j’ai mis c’est Prinzly. Il m’a répondu : « Frérot ça tombe bien, je peux t’offrir cette possibilité, je suis connecté avec ce gars. » Pour moi, c’était un truc de fou. Prinzly a accepté qu’on se rencontre et je suis allé le voir à Bruxelles. On s’est retrouvé en studio et on a passé un long moment à discuter et à écouter des vieilles maquettes à moi qui ne sortiront jamais. Je lui ai expliqué ce que je voulais pour mon projet, et vu qu’il sait tout faire, on s’est lancé. Lors de notre première session à l’ICP, l’un des plus beaux studios qu’on a en Europe, il n’a pas bougé de son siège entre 14 h à 21 h 30. Je crois qu’il a fait seulement une pause toilettes [rires]. Il faisait prod sur prod. Finalement, il a composé tous les titres du projet.
Pourquoi était-il en haut de ta liste ?
C’était une évidence et il me semblait atteignable. Avec toute l’humilité du monde, je me disais que j’avais encore beaucoup de travail à faire avant de bosser avec un mec comme lui. Parmi les multi-certifiés ultra talentueux, c’est celui qui a la texture musicale qui me parle le plus. J’avais aimé QALF, des projets d’Hamza, et surtout son projet solo. Il fait tout tout seul et ça m’impressionne de fou. Il a une façon de triturer les instruments et un son que je n’entends chez personne d’autre.
Ces premières heures de studio ne t’ont pas paralysé ?
Dès le début, il m’a dit de ne surtout pas hésiter à lui dire non. Il a désacralisé ce truc et ça m'a permis d'être beaucoup plus à l'aise. Même si, je ne vais pas te mentir, les deux premiers jours, j'étais un peu… [il fait mine d’être intimidé]. Il a fallu qu’on se découvre autant dans l’aspect humain que musical. Il y a quand même eu un petit sas de décompression !
Que t’a-t-il apporté ?
Il a changé ma vision de la musique. Il m’a montré que je pouvais tout oser. Je me suis grave décomplexé. Il y avait cet aspect de recherche musicale que je ne m'autorisais pas autant avant. Jusque-là, j'arrivais toujours avec mes stratégies et des idées calibrées. Alors que non, si j’ai envie de mettre une interlude chelou avec des voix sur un sample de musique africaine : je peux. On s’ouvre à tout et on se laisse porter par l'aspect créatif de la session. Pour moi, ça a été une libération incroyable. Sans lui, je n’aurais jamais fait un titre comme « Encore », qui est clairement un morceau club.
Et Jules Fradet s'est logiquement invité à vos réunions…
J'étais en ermite derrière lui pendant les sessions de mix. Je regardais tout ce qu'il faisait et j’étais ultra attentif. Jules est une espèce d'encyclopédie incroyable. J’avais rarement assisté à des sessions de mix avant, mais Prinzly m’avait dit : « Non, tu viens, tu regardes, même si tu ne comprends rien, même si le temps peut te paraître long, parce que c’est important que tu sois présent de A à Z sur tous les aspects de la création. »
Comment est-ce que tu présentes à Prinzly tes envies musicales pour ce projet ?
Je lui ai dit que je voulais faire de la drum and bass, que ce soit gras, que ce soit sombre. Je crois que je lui ai même parlé de caves londoniennes [rires] ! Il a tout de suite compris. J'attendais de trouver le compositeur qui pouvait répondre à ma folie et à mes attentes en termes de production musicale. Dès le premier morceau, « Score », on a voulu faire quelque chose qui sortait très clairement de ma discographie.
Ces influences anglo-saxonnes sont particulièrement marquées sur les trois premiers titres. Avais-tu des inspirations précises ?
Il y a des mecs comme Dizzee Rascal, Skepta – même s’il est plus branché grime – et toute cette scène assez old school londonienne. Il y a aussi un album jungle qui m'a fait énormément kiffer, c'est Earthling de David Bowie.
Avec le titre de cet EP, Merci pour les roses, on comprend très bien la référence à Jean d'Ormesson. Pourquoi ce choix ?
J’avais écouté son discours il y a longtemps et je l’avais toujours en tête. Cette dualité entre la rose et les épines représente exactement les dix-huit mois que je viens de vivre. Les roses symbolisent tout ce qui s'est passé après l'émission : l’effervescence, le soutien, les salles de concerts sold out, les morceaux qui marchent de mieux en mieux… Mais évidemment, il y a le revers de la médaille. Au bout d’un moment, je me suis senti étonnamment seul et je ne savais pas du tout comment le gérer. Je me suis posé plein de questions sur ma légitimité, sur les propositions que je recevais, sur mon entourage… Je ne pensais pas que ma santé mentale serait autant « mise à l’épreuve ».
On retrouve également les roses sur la pochette…
Oui ! Et d’ailleurs, elle a été shootée à l'Académie française. Jean d'Ormesson était un académicien, alors je trouvais ça symbolique d'aller directement sur place. Le rap n'a pas à rougir de l'élitisme littéraire. On écrit bien, on le met en avant et on l’assume.
Les épines dont tu parles, c’est aussi cette relation qui se termine et que tu racontes sur « Dans le temps » ?
Pas seulement, mais oui. C'est le morceau le plus personnel du projet avec l'intro. C’est mon histoire à moi.
Tu n’en avais pas encore parlé dans ta musique ?
Pas de cette manière. Quand je parlais d'amour, c'était souvent plus diffus. Là, je voulais en faire un morceau pour le figer. J’avais besoin de m’en soulager. Je suis très content d’avoir créé ce titre. Écrire là-dessus, ça m’a fait du bien.
Sur le troisième track, « Dis-le moi », on entend d’ailleurs une voix de femme. Qui est-ce ?
C'est une artiste qui s'appelle Mewy et qui est venue au studio. On a commencé à travailler sur ce morceau et je trouvais ça cool d’ajouter une voix féminine dessus. Un peu comme la petite voix qu’il y aurait dans la tête. Ce morceau ressemble presque plus à un interlude qu’à un vrai morceau.
Pourquoi n’y-a-t-il pas de featuring ?
C’est une volonté de ma part. Je me voyais comme ces espèces de serpents qui enlèvent leur vieille peau et font peau neuve. Il fallait que cet EP soit une nouvelle carte de visite. Les feats n’avaient pas leur place. Pas encore.
Seras-tu en tournée prochainement ?
C'est le but en tout cas. On va faire au moins une date parisienne parce que j'ai envie de retrouver mon public et de célébrer avec les gens qui me suivent. Mais le deuxième projet sera plus consistant et donc la vraie tournée se calibrera à ce moment-là.
Un mot de la fin ?
Faites-vous confiance, ne craignez pas le ridicule et croyez énormément en ce que vous faites. Allez streamer Merci pour les roses et allez lire Mosaïque Magazine surtout. Ça, c'est important [rires] !