Douze Déluge : « Le rap, j’ai commencé sérieusement il y a un an »

Après une adolescence au Luxembourg bercée par le rap et la techno, Douze Déluge s’installe à Bruxelles à 17 ans pour continuer ses études. C’est là-bas qu’elle rencontre Karma, un ingénieur son qui devient son meilleur ami. Pendant un an, iels passent des heures au studio pour enregistrer ses premiers morceaux. C’est le douzième jour du douzième mois de l’année qu’elle a choisi pour présenter son nouvel EP MCRCLMT. Un « microclimat » aux allures de tourbillon musical. 

 

Comment est-ce que tu te sens après la sortie de ton premier EP ?

On est trop contents de voir plein de nouvelles personnes arriver. J’étais super excitée à l’idée de le sortir après toutes les émotions qu’on a traversé pendant la création. Avec Karma, on est hyper perfectionnistes. Le studio, ça me prend beaucoup d’énergie, donc ça fait du bien que ce soit dehors.

 

Cover de l’EP MCRCLMT. Crédits : Inside ego.

 

Sur la pochette, tu es dessinée sur un rocher, au milieu d’une tempête, qu’est-ce qu’elle représente pour toi ? 

Elle représente mes émotions. Dans ma tête, c’est souvent le chaos, avec des vagues d’émotions intenses et souvent négatives… Être au centre de la tempête me donne l’air de la contrôler. Cela me sert à montrer un tournant dans ma vie : le courage de maîtriser ses émotions. La tempête est aussi un rappel à mon nom d’artiste. 

 

Pourquoi tu as choisi de t’appeler Douze Déluge ?

Je suis née à midi, un 12 décembre, donc le chiffre 12 a toujours été super présent dans ma vie. Dans l’outro de l’EP « AM : PM », on y fait beaucoup référence. Il y a eu des grosses tempêtes en Europe le mois de ma naissance. Dans le déluge, il y a un côté chaotique, de déferlement, de destruction et d’abondance que j’aime bien. Cela fait écho au fait que j’aie énormément de choses à dire et à faire comprendre.

 

Douze Déluge photographiée par bori szekeres


 

Dans quelles conditions as-tu conçu MCRCLMT

Notre studio se trouve dans une ancienne imprimerie à billets qui a été en partie rasée. Le bâtiment offre juste de l’eau et de l’électricité. Il y a un côté urbex quand on s’y rend. On a eu l’idée de l’EP fin septembre. On s’est dit que ce serait cool de le sortir le 12 décembre, mais ça ne nous laissait pas beaucoup de temps. Du coup, on a énormément bossé pour réussir.

 

Tes premières sorties datent d’avril 2023, quand est-ce que tu as commencé à faire de la musique ? 

J’ai toujours été intéressée et à l’aise avec la musique, il y a eu une période où je chantais en jouant de la guitare. Le rap, j’ai commencé sérieusement il y a un an. Mes premiers textes ne ressemblaient pas à grand-chose. C’était très brouillon. Je ne savais pas où je voulais aller et toutes mes références, qu’elles soient boom-bap, techno ou drum’n’bass se mélangeaient. Je n’avais pas les codes de l’écriture non plus, c’est avec Karma que j’ai appris en m’entraînant au studio. C’est pour ça que mes premiers singles sont davantage expérimentaux.

 
 

Qu’est-ce que tu as envie de transmettre avec cet EP ?

C’est ma première carte de visite. Je veux qu’on comprenne mon personnage, qui n’est pas si éloigné de celle que je suis. Il y a un côté froid et agressif que j’ai voulu mettre en avant, parce que ce sont des facettes auxquelles on m’associe souvent dans la vraie vie. Je n’ai surtout pas envie qu’on me dise que « c’est trop bien pour une meuf », juste que « c’est trop bien. » J’essaye de me démarquer avec ma voix et dans le choix des prods.

 

Tu n’as pas peur des étiquettes que l’on pourrait te coller ? 


Pas du tout ! Je ne me colle pas d’étiquette personnellement et j’essaye d’abord de faire une musique qui me parle. J’ai même un peu hâte de voir dans quelles cases on va me ranger ou à qui on va me comparer… Parce que je sais que cela va arriver.

 
« Je n’ai surtout pas envie qu’on me dise : « C’est trop bien pour une meuf » »
— Douze Déluge pour Mosaïque
 
 

Ambrose et Labri sont invités sur le quatrième titre du projet, pourquoi eux ? 


Je les ai découverts il y a environ six mois avec leur premier projet. Ils font partie du label de 8ruki que j’écoute depuis longtemps. Je me suis reconnu en eux dans le choix des prods. J’avais une petite appréhension comme je suis une meuf qui rappe et que ce n’est pas encore une évidence pour tout le monde. Finalement, ils ont été adorables, la connexion était super fluide. 

 

Est-ce que tu peux me parler de ta relation avec Karma ?

On avait une connaissance en commun et je savais qu’il était dans la musique. Je suis rentré en contact avec lui et on a remarqué qu’on avait les mêmes goûts pour les prods, les mixs, les textes… On a les mêmes références. On est tous les deux aussi bien fascinés par Future, CHASETHEMONEY,  que par des groupes de métal ou par de la bass music du début des années 2000. Quand on écoute un son, on est choqués par les mêmes choses, on tilte sur les mêmes rimes, les mêmes prods… C’est très vite devenu un ami proche. 

 

Douze Déluge photographiée par Wartases.

 

De quel·les artistes tu te sens proche sur la scène actuelle ?

Musicalement, j’aime beaucoup l’interprétation de 8ruki. En général, quand j’écoute des artistes de la scène émergente, je fais attention aux textes. Il y a Kay The Prodigy qui a un côté : « Je dis ce que je pense » qui me parle beaucoup. 

 

Quelle importance tu donnes à l’écriture dans la conception de tes morceaux ?

J’ai toujours écouté du rap qui découpe. Pour moi, un bon texte, ça rentre dans les paramètres d’un son rap réussi. Parmi les rappeurs et rappeuses de la new gen, beaucoup donnent plus d’importance à la mélodie, à la production, aux effets… Personnellement, je veux garder cet aspect de performance dans l’écrit, avec des rimes cachées, des doubles sens, c’est comme un jeu pour moi.

 

Douze Déluge photographiée par Wartases

 

Dans « RAF / VLV », tu dis te sentir « prête à tout sacrifier ». Tu te verrais tout abandonner pour te lancer à 100 % dans la musique ?

C’est déjà un peu ce que je suis en train de faire. Au début, c’était du 50/50 avec mes activités professionnelles. Plus les mois avancent, plus j’en fais ma priorité. Quand je le dis, je déclare que je suis prête à investir toute mon énergie dans la musique, en sachant que ce ne sera pas facile. 

 

Pour la suite, est-ce que tu vas te concentrer sur des projets courts ?

Je me suis beaucoup posé la question. En réalité, je ne suis pas encore prête à construire un long projet bien ficelé du début à la fin. Pour l’instant, je me projette plutôt sur une mixtape. Ce sont aussi des choix qui vont avec les capacités financières. Un album demande plus de moyens pour les clips par exemple.

 

Comment est-ce que tu souhaites développer ton identité visuelle ? 


Je suis passionnée de mode. Il y a toujours un côté de moi qui veut toucher aux aspects visuels. D’ailleurs, j’ai toujours le dernier mot quand je bosse avec des artistes ou des stylistes. Je me renseigne tout le temps sur les nouveautés, donc mon style va évoluer avec le temps. Sur ce point, je me fais confiance à 100 % parce que je suis très satisfaite de mes choix. J’aime faire entrer des personnes qui ne s’intéressent pas à la mode dans mon univers, faire découvrir des marques ou des créateurs. 

 

Douze Déluge photographiée par Wartases.

 

Le public n’a pas encore eu l’occasion de te voir sur scène, ce sera bientôt le cas ?


J’ai déjà fait des petits open mics, c’était amusant. À l’époque où je chantais avec ma guitare, j’ai aussi eu l’occasion de me produire devant 500 personnes lors d’un concert multi-artistes. On m’a déjà proposé des scènes à Bruxelles, que j’ai décliné. D’abord, parce que je n’avais pas forcément assez de titres à jouer, mais aussi parce que j’attends d’avoir une proposition d’un événement dont la direction artistique sera en adéquation avec la mienne. C’est un truc sur lequel je vais être super sélective.

 

Est-ce qu’on pourra découvrir Douze Déluge sur un autre microclimat ? Plus chaud par exemple ? 


J’y ai pensé. Le titre de l’EP est très évocateur : c’est un concentré. Je peux le décliner en plein d’ambiances différentes. Après, peut-être pas de là à l’appeler MCRCLMT 2. Je n’ai pas envie de me mettre des barrières. En tout cas, ce qui arrive n’a rien à voir… 


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