Leys : « J’ai rappé pendant 10 ans sans sortir de projet »

Deux ans après la diffusion de la première saison de Nouvelle École, Leys a dévoilé un premier projet à son nom. Un EP de dix titres pour passer un cap, dix ans après avoir commencé le rap. Elle revient pour Mosaïque sur les étapes qui ont précédées la sortie de LEYS et sur ce qu’elle envisage pour la suite de sa carrière. 

 

LEYS est enfin sorti, comment tu te sens ? 


Détendue, la pression s’est envolée. C’est la première fois qu’un projet regroupe plusieurs facettes de ma personnalité, j’avais peur de sauter le pas. Je suis contente d’être allée jusqu’au bout. J’ai eu de bons retours. Ça me pousse déjà à me surpasser pour l’album, pour lequel j’ai des attentes encore supérieures.

 

Ce projet sort presque deux ans après la diffusion de Nouvelle École, pourquoi autant de temps ? 


Les gens pensent qu’en sortant de ce genre d’émission, tout est servi sur un plateau. En réalité, j’ai dû former une équipe, faire attention aux personnes mal intentionnées… C’était beaucoup d’exposition d’un coup. Même si on avait été préparés, c’est resté un choc. J’ai entendu des gens me dire qu’il fallait que je profite de la notoriété mais j’ai préféré faire attention à ma santé mentale et me placer dans un cadre positif. 

 

Cover de Leys, réalisée par Fasmer

 

Comment est-ce que tu as fait pour bien t’entourer ?

J’ai fait des erreurs [rires]. Désormais, je ne suis plus inoffensive, à penser que tout le monde veut mon bien. Travailler avec des personnes qui ne te ressemblent pas, qui ne partagent pas ta vision, ça renforce tes convictions. J’ai mis du temps à trouver mon équipe actuelle, mais c’était pour le mieux. C’est bien de se tromper, sinon tu n’avances pas. 

 

Tu ne t’es pas beaucoup exprimée sur le tournage de Netflix, l’as-tu bien vécue ? 


Je voyais énormément de personnes parler à ma place, je lisais parfois que l’émission était truquée ou que je cherchais le buzz à tout prix… Je ne suis pas du genre à me battre contre les gens qui ne veulent pas comprendre, j’ai préféré les laisser parler. Cette émission nous a vraiment dépassés. On voulait faire des contenus autour du programme avec les candidats dont j’étais proche, mais, finalement, on a eu le temps de rien faire.

 

Est-ce que faire une pause, c’était aussi une manière de te distancer du programme ?


Pas du tout. Je ne vais pas partir dans un délire où je cherche à m’éloigner de ce qui m’a donné le plus de lumière jusqu’à aujourd’hui. Quand on m’arrête dans la rue, c’est principalement parce qu'il y a eu Nouvelle École. Ça n’a jamais été une honte de l’avoir fait. Le but, désormais, c’est qu’on me reconnaisse aussi pour d’autres choses.

 

Il y a neuf mois, tu publiais « Si c’était le premier (Intro) », une reprise de Diam’s, de quoi ce morceau était l’intro ?


Sur « Si c’était le dernier », Diam’s revenait pendant 10 minutes sur toutes les galères qui ont accompagné sa carrière. Moi, je rebondis sur la thématique, mais pour lancer la mienne. Un nouvel élan dans lequel je finis ce que j’entreprends. J’avais déjà commencé un projet avec une autre équipe, qui n’est jamais sorti. Ça m’a laissé un petit sentiment de frustration. « Si c’était le premier », c’est ce nouveau départ, en rendant hommage à Diam’s. Elle a été une inspiration pour toutes les rappeuses. On arrête pas de me comparer à elle, mais je n’en ai pas honte. Je ne veux pas m’en éloigner. Évidemment, personne ne peut faire mieux qu’elle sur cette instru. C’était un vrai challenge de tenir sur 10 minutes et j’en suis super satisfaite. C’est grâce à ce morceau qu’on s’est trouvé avec Kilomasta [structure montée par Masta, en parallèle de Kilomaître, label iconique du rap français des années 2000, NDLR]  je voulais leur approbation pour ma reprise de Diam’s. Après qu’ils aient validé, on a continué de discuter pour voir si nous étions sur la même longueur d’onde. J’étais impressionnée qu’ils me calculent, puisqu’ils ont travaillé avec des artistes de fous [Diam’s, Sinik, Kery James, Vald… NDLR]. J’ai tout de suite voulu montrer ma motivation.

 

Crédit : Fasmer

 

Entre ce morceau et l’EP, tu as posté plusieurs freestyles sur les réseaux sociaux, c’est un exercice que tu aimes particulièrement ?


J’ai commencé avec des vidéos sur Instagram, sans filtre. À l’époque, j’étais trop contente de poster et de voir les réactions. Ça m’a permis d’être mise en relation avec plusieurs artistes super connus comme Dadju, ou Chris [anciennement Christine and the Queens, NDLR]. Il y a vraiment un côté authentique avec ce genre de freestyle et j’ai voulu le retrouver.

 

Le prochain cap, c’est l’album…  


J’ai envie qu’il y ait plein de featurings. Et pas forcément du rap. Par exemple, j’aimerais beaucoup travailler avec Charlotte Cardin, si je trouve la bonne proposition. Je veux des sons où les auditeurs se disent : “Waouh, ça n’a rien à voir, mais c’est lourd de fou.” Et puis je veux me faire confiance à 100 % pour la structure, être au maximum impliquée sur la direction artistique pour n’avoir aucun regret.

 

Ce disque est déjà structuré comme un potentiel album ! Interludes, tracklist calquée sur les jours de la semaine…


Ce qui est compliqué dans mon parcours, c’est que j’ai rappé pendant dix ans sans sortir de projet. Il y a des personnes qui m’attendent depuis longtemps. Je ne pouvais pas me permettre de sortir une compilation de sons. Ça aurait été un manque de respect pour ces gens-là. Et puis ça va aussi avec ma manière de travailler. C’est difficile de faire des sons qui n’ont rien à voir ensemble. Je voulais qu’il y ait une thématique, je trouve ça plus facile d’écrire en sachant où je vais et quelle émotion je souhaite faire ressentir.

 

En 2022, tu disais vouloir sortir un projet 100 % rap. Sur LEYS, il y a des passages chantés, pourquoi ce changement ?


Avant, je critiquais les meufs qui faisaient un vrai switch en délaissant le rap avec lequel elles ont commencé. Finalement, quand tu es prise dans le truc, tu as envie d’essayer d'autres styles. Bien sûr, il y a toujours énormément de rap, mais j’ai fait en fonction des instrus qui me plaisaient. Il ne faut pas que ce soit rap pour que ce soit rap. Si j’aime un prod très dansante comme « Samedi (Malade) », je ne vais pas m’empêcher de poser dessus.

 

Crédit : Fasmer

 

Ton album est sorti le 8 mars, en même temps qu’un cypher 100 % féminin sur la chaîne de Daymolition. Pourquoi ?


À la base, je m’en fous un peu du girl-power… Mais là, j’avais envie de représenter les femmes aux côtés de kickeuses que j’aime. Je les ai repérées sur les réseaux sociaux, et je m’entends bien avec toutes. Je suis certaine qu’elles vont tout péter par la suite. 

 

Sur « Jeudi (#FTC) » , tu rappes : « C’est le retour du rap français », une punchline iconique de Kery James. Est-ce l’une de tes plus grandes influences ?


C’est quelqu’un qui m’a donné beaucoup de force. En 2016, j’ai fait un freestyle sur « Mouhammad Alix » [morceau éponyme du sixième album de Kery James, NDLR]. Deux ans plus tard, alors que je m’entraînais pour un concert, on est venu me prévenir qu’il venait de le reposter. Je n’y croyais pas. Ensuite, il m’a invitée à son Zénith. Il fait partie de mon histoire. Je le mentionnerai toujours dans mes références. C’est quelqu’un que j’ai beaucoup écouté et qu’on aime beaucoup dans ma famille.

 
« J’ai aussi envie de faire le plus de collaborations possible. »
— Leys pour Mosaïque
 

Il y a d’autres artistes à qui tu aimerais rendre hommage ? 


Hayce Lemsi. Je l’écoutais grave au collège, j’étais super fan. Un jour, il m’a invitée à son Planète Rap. J’ai performé « Makélélé » et il y a eu pas mal d’engouement autour de la prestation. C’est à ce moment-là que Niska m’a partagée par exemple. Il y a beaucoup d’artistes, qui ont, consciemment ou non, mis leur pierre à l’édifice et qui m’ont permis de me faire un nom petit à petit.

 

À quoi peut-on s’attendre pour la suite ? 


Je suis déjà sur l’album. Plusieurs textes sont prêts. Je pense qu’il va arriver rapidement. Je vais devoir faire un sans faute. Il faut que tous les sons soient irréprochables, que pour chacun d’entre eux, on me dise que c’est une dinguerie. J’ai aussi envie de faire le plus de collaborations possibles. Ça va me permettre de toucher d’autres univers. Je veux aussi avoir les artistes que j’écoute, qui sont grave streamés, et surtout avec qui il y a une forte alchimie. Je pense déjà à plusieurs internationales : Ivoirian Doll, Loredana, Shirin David, Badmónzjay… Bien sûr, je veux aussi défendre le projet sur scène. Il y a une date en collaboration avec La Place Hip-Hop à Paris qui arrive.

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