Critique : Nono La Grinta - « La Griiint »
Nono La Grinta est déjà un incontournable. Avec plusieurs hits à son actif, ce nouveau contender à la conquête de la drill française fonce en ligne droite et arrache les milliers de streams. Après le succès de son premier long format largement remarqué, LA QUOIII ?, que vaut La Griiint, son dernier disque ? La critique de Cédric Rossi en accès libre et disponible dans le numéro 8 de Mosaïque.
Après une dizaine d’exclus frustrantes qui tardaient à voir le jour, Nono La Grinta sortait un premier EP mal dégrossi avec LA QUOIII ? en décembre 2023. Lui qui avait pourtant la carrure pour réanimer une drill française aseptisée à coups de croassements de cordes vocales asséchées par des flashs mal dosés, le sound design cartonneux d’un projet aussi attendu revêtait un aspect plus décevant qu’authentique. Sur La Griiint, construit comme une sorte de réponse directe à LA QUOIII ?, Nono s’élève dans un exercice de style fidèle à lui-même.
Malgré l’épaisseur symbolique et mélodique d’une sample drill new-yorkaise en plein essor, Nono La Grinta fait partie de ces artistes qui ne télescopent pas, et ne regardent ni dans le passé ni dans le futur, mais créent une brutalité sortant d’eux-mêmes. Aveuglés par la fumée d’un « 3× filtré » ou assourdis par les glissements de 808 qui ronronnent comme un essaim de bourdons obèses. Sur « Cocaïne », le sample fantomatique d’un slasher cliché vient rappeler l’horrorcore du Memphis des années 1990, comme si l’atmosphère goudronneuse du 19e arrondissement s’était modelée dans le Brooklyn de Lil Bibby ou G Herbo. Les doubles croches se métamorphosent en triolets sur une drill indomptable assez simplement copiée d’un morceau de Shaggy B et Scooby B, deux rappeurs de New York qui se prennent pour l’équivalent d’une vieille adaptation épouvantable de Scooby Doo.
La Griiint cristallise une sample drill épico-prophétique inspirée de Shawny Binladen, qui se mélange à l’ADN de la jersey club du groupe emblématique 41. De quoi faire dériver Chicago vers New York dans un sursaut horrifique et volontairement anxiogène, le tout léché par les phrases d’un adolescent en pleine construction sociale et sexuelle qui vole des Rolex. Aux aspérités vocales, qui vont du corbeau de « 7AM » au chant prophétique autotuné sous alcool de « Like Like », viennent alors se mélanger une authenticité jouissive et une explosivité qui ne cesseront de rythmer tous les excès de vitesse du 19e arrondissement.
Retrouve cet article et les autres critiques de la rédaction dans le numéro 8 de Mosaïque.